Au nord-est de l’Islande, Viknaslodir ou le sentier des criques, traverse une région montagneuse qui plonge dans l’océan. Si vous connaissez déjà les massifs colorés et chatoyants du Landmannalaugar, et bien ceux-ci leur ressemblent, mais en moins minéral, en plus vivant, plus vert, plus fleuris et tombant abrupte dans l’océan. Ce pays isolé est considéré comme étant la province centrale du royaume des elfes. Leur reine y réside dans sa forteresse de Álfaborg, une belle colline de roches lisses et de fleurs, juste derrière la petite église de bois de Bakkagerdi dans le Borgafjord Oriental.
Ces massifs grandioses offrent toute la palette des pastels d’un ancien volcanisme acide (rhyolites). De ces bleus, ces roses, ces ocres s’élancent des forteresses de roche sombre. En bas dans les vallées, des torrents limpides courent vers les criques au milieu des tourbières et des marais saupoudrés du coton blanc des linaigrettes. L’océan y prend des teintes uniques, allant de l’opale le plus exotique, au vert turquoise le plus hostile. Presque systématiquement le soir, un couvercle de brume descend sur le paysage sublimant le mystère de la nuit claire.
Tout aussi systématiquement, le soleil éclatant du matin déchire les nappes de brouillard qui, après une certaine résistance, finissent par s’échapper comme des spectres par les cols des montagnes. En bas sur le rivage, de jolies cabanes très confortables, équipées de poêle à bois, marquent nos étapes, nous abritant d’une brusque intempérie passagère dont ne se prive jamais l’Islande. En provenance de Sibérie, après une longue dérive sur l’océan, d’innombrables troncs de bois blanchis par l’eau salée, viennent s’échouer sur le sable noir de ces criques.
Dans vos bagages, vous ramènerez sûrement le souvenir d’une de ces veillées fraternelles et magiques autour d’un feu de bois sur ce rivage au bout du monde. Survolé par les pétrels, dans le ressac tout proche, un phoque curieux vient jeter un coup d’œil. Au même moment sur la montagne, au-
essus des falaises, là où se mélange la fumée de nos feux à la brume du soir, les elfes, invisibles, nous observent.
“Those who wander are not necessarily lost” - JRR Tolkien