L'île de la Réunion possède, avec le Piton de la Fournaise, un des volcans les plus actifs au monde. Et c'est avec Hawaï et son volcan Kilauea qu'elle partage cette belle réputation.
Le Piton de la Fournaise Plus de 30 éruptions depuis 1998
Un volcan laboratoire
Observé et décrit depuis maintenant 200 ans par les premiers explorateurs et habitants de l'époque, il est depuis 1980 surveillé de très près par l'Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise. Avec en moyenne une éruption par an (moyenne réalisée sur les 200 dernières années), la Fournaise est devenue un véritable volcan laboratoire, permettant ainsi une meilleure compréhension des phénomènes volcaniques ainsi qu'une meilleure estimation des risques sur les populations.
Contrairement aux volcans dits explosifs (comme la Montagne Pelée en Martinique ou le Vésuve en Italie) dont les éruptions peu fréquentes sont destructrices et meurtrières (la « montée en pression du massif », en profondeur, se faisant sur des années ou des siècles, l'explosion lorsqu'elle a lieu est très violente), la Fournaise est un volcan de type effusif, produisant des laves fluides et entrant en éruption fréquemment. Ses éruptions sont donc généralement d'intensité plus faible, moins dangereuses, et donc plus facilement observables.
D'une durée allant de quelques heures à quelques semaines, voire quelques mois, ces éruptions se situent généralement autour des deux cratères principaux (cratère Bory et cratère Dolomieu) formant le point culminant du Piton de la Fournaise à plus de 2600 m d'altitude.
L'accès au Piton de la Fournaise pendant et hors éruption est réglementé par des décisions préfectorales qui sont prises en fonction des éventuels dangers liés à la perpétuelle évolution du volcan.
En général, lorsqu'une éruption débute, l'accès au volcan est interdit pendant plusieurs jours, le temps de situer précisément le lieu ainsi que l'importance de l'éruption et d'en évaluer les risques. Puis, en discussion avec les spécialistes de l'Observatoire, la préfecture autorise ou non l'accès à un éventuel site d'observation de l'éruption. Quelquefois de nouveaux itinéraires sont mis en place par les services de l'ONF, des restrictions particulières peuvent être appliquées (par exemple interdiction de sortir du sentier balisé, autorisation d'accès à une éruption de jour uniquement...). En dehors des périodes d'éruption, l'Observatoire émet des bulletins d'information sur les observations réalisées ainsi que sur la possibilité ou non d'éruption imminente.
Les éruptions de la Fournaise de 1998 à 2007
De 1998 à 2010, plus de 30 éruptions se sont succédées. Petit récapitulatif de ces éruptions :
- 9 mars 1998 : en sommeil de 1992 à 1998, le volcan sonne son réveil par une éruption qui durera plus de 6 mois (196 jours) et déversera plus de 60 millions de mètres cubes de lave. Cette éruption, visible depuis le parking du Pas de Bellecombe, offrira un spectacle unique aux réunionnais et touristes de passage. De jour, de nuit, de près, de loin, tout le monde voudra voir cette éruption, qui sera qualifiée plus tard comme l'éruption du siècle.
- 19 juillet 1999 : éruption dans le cratère Dolomieu et sur ses flancs est, proche du sommet. Fin de l'éruption le 31 juillet.
- 28 septembre 1999 : éruption dans le cratère Dolomieu et sur ses flancs sud, proche du sommet. Fait rare, cette éruption n'a produit aucun signe précurseur, et a pu être observée, dès le début, par des randonneurs ainsi qu'une équipe de l'Observatoire présents sur place. Fin de l'éruption le 25 octobre.
- 14 février 2000 : éruption sur le flanc nord du Dolomieu, proche du sommet. Le début de l'éruption se déroule sous une pluie battante due au cyclone intense Eline qui passe à 200 km au nord de l'île. Quelques jours plus tard, la pluie cesse enfin et les randonneurs sur place sont récompensés : un cône s'est formé le long de la fissure éruptive, à environ 1 h de marche depuis le parking, et produit des fontaines de laves de plusieurs dizaines de mètres de haut. Le 4 mars, des « gaz pistons » sont entendus à des kilomètres ; la cheminée, bouchée par des éboulis se libère de temps en temps par des explosions de gaz, des roches sont projetées à plusieurs mètres de haut. Cette libération de gaz sonne la fin de l'éruption.
- Juin 2000, octobre 2000, mars 2001, juin 2001, janvier 2002, novembre 2002 : longue série d'éruptions se situant sur les flancs sud-est à nord-est du Dolomieu autour de 2000 m d'altitude. Pour observer ces éruptions, il faudra cette fois s'armer de courage et s'équiper en conséquence car cela nécessite plusieurs heures de marche (parfois 6 à 7 h A/R).
- Décembre 2002 : début décembre, la sismicité sous le sommet devient importante (entre 250 et 900 séismes par jour) jusqu'à atteindre un record de 5700 séismes dans la seule journée du 22 décembre. L'accès à la Fournaise est totalement interdit, le survol également. Les autorités craignent un événement important. Le 23, un séisme de magnitude 3 est enregistré dans le Dolomieu puis la sismicité s'arrête brutalement. Lors du survol en hélicoptère, on constate un cratère d'effondrement dans la partie sud-ouest du Dolomieu. Les dimensions du cratère sont d'environ 80 x 120 m et 10 m de profondeur.
- Mai 2003, août 2003, septembre 2003, décembre 2003, janvier 2004, mai 2004, août 2004, février 2005, octobre 2005, décembre 2005, juillet 2006, août 2006 : longue série d'éruptions, dont certaines coulées de lave traverseront la route nationale et atteindront la mer.
Les nombreuses éruptions dans le cratère Dolomieu ont fini par combler celui-ci et fini même par déborder lors des éruptions de 2006. L'année 2007 marquera un tournant dans l'évolution du Piton de la Fournaise.
Déroulement des événements
- le 18 février, après une crise sismique de 27 minutes, une éruption sommitale commence dans le Dolomieu (à 2600 m d'altitude). Une fissure traverse le cratère d'est en ouest et une lave très fluide se répand et couvre rapidement le fond du Dolomieu. L'éruption prend fin après seulement 9 heures d'activité.
- le 30 mars à 22h50, une fissure éruptive s'ouvre à 1900 m d'altitude sur les flancs est / sud-est du volcan. Elle produira une coulée de 1 km environ et s'arrêtera à 9h15 le lendemain matin.
- Pourtant la sismicité sous le Dolomieu continue (plusieurs dizaines de séismes par jour) : ceci indique une activité à venir. L'Observatoire annonce de futurs évènements éruptifs ainsi qu'un effondrement possible.
- le 2 avril, une autre éruption débute, cette fois-ci à 590 m d'altitude. Les coulées sont massives et traversent rapidement la route nationale. Elles atteignent la mer dans la soirée.
- le 6 avril, le plancher du Dolomieu (cratère sommital d'environ 1000 m de diamètre) s'effondre entièrement et laisse en place un trou béant de plus de 300 m de profondeur, emportant avec lui une partie du cratère Bory. Le panache de fumées et de cendres projetées est visible de quasiment toute l'île.
Pendant ce temps, loin du sommet, l'éruption continue de plus belle. Des fontaines de lave de plus de 200 m de haut sont visibles depuis le village du Tremblet situé non loin, des coulées traversent la nationale sur plusieurs kilomètres de large, route qu'il faudra reconstruire après refroidissement de la lave. Elle sera réouverte à la circulation un an environ après l'éruption. - Cette éruption prendra fin le 1er mai.
Lors de son effondrement, les bords du cratère Dolomieu se sont fragilisés, de profondes fissures se sont formées sur ses bords. Le sentier qui en faisait le tour est désormais interdit car trop dangereux et très exposé. Deux nouveaux sentiers ont été balisés. Ils se situent dans l'enclos Fouqué mais ne permettent plus l'ascension au sommet ainsi que le tour des cratères sommitaux. Cette nouvelle règlementation, au grand désespoir des randonneurs, sera maintenue près de 3 ans (2007-2010).
Randonner sur la Fournaise
Depuis cette éruption, l'activité de la Fournaise continue, avec notamment plusieurs petites éruptions dans le Dolomieu. Lors de l'éruption de décembre 2009 – janvier 2010, également dans le Dolomieu, la préfecture autorise de nouveau l'accès au sommet. Un nouvel itinéraire menant à un site d'observation a été créé par les agents de l'ONF et c'est désormais le sentier à emprunter lors de la randonnée au Piton de la Fournaise (4 à 5 h de marche A/R depuis le parking). Il descend dans l'enclos Fouqué, le traverse, puis commence l'ascension du sommet, en traversant de nombreuses coulées de lave récentes, maintenant solidifiées et refroidies, pour déboucher à un point de vue sur le fond du cratère Dolomieu. Le retour se fait par le même chemin.
Avant, pendant ou après une éruption, la Fournaise est un site incontournable lors d'une visite de l'île de la Réunion. Néanmoins, randonner sur ses cratères nécessite un minimum de vigilance et de précautions à prendre. Outre ses caprices éruptifs, sa situation géographique le soumet à des climats particuliers. Partir équipé pour une randonnée en montagne (vêtements chauds, vêtements de pluie, protections contre le soleil agressif à cette altitude, renseignements précis quand à l'itinéraire choisi, eau et nourriture suffisante) et ne pas s'écarter du balisage (la météo peut changer très rapidement et un brouillard épais peut s'installer en quelques minutes).
CHRISTOPHE KEISER (ALIZÉS MONTAGNES)